Dans un article précédent il était question des collections, des curiosités, des connaissances encyclopédiques.
L'encyclopédie du savoir est une caractéristique du 18 ème siècle qui est aussi nommé le siècle des Lumières.
Avant d' aborder la recherche de composition, il y eut un certain nombre de lectures à la fois historiques, anecdotiques et aussi relatives à la pensée et à la philosophie du moment. Egalement, l'observation d' illustrations diverses, de gravures populaires ou des planches de l'Encyclopédie ont situé un climat et permis de retenir des aspects majeurs, dessinant ainsi les grandes lignes d'une composition.
Le 18 ème, c'est le règne des idées...les idées de philosophes.
Citons: Fontenelle, mécaniste, Voltaire, Diderot, matérialiste, Buffon, naturaliste,d'Alembert, géomètre, Montesquieu, juriste ou La Mettrie, médecin.
"Les Lumières", c'est une attitude d'esprit: on recherche dans l'investigation scientifique, des explications nouvelles, qui étaient jusque là obscurcies par des préjugés. Il s'agit d'une nouvelle intelligence, un éclairage nouveau dont le moteur n'est plus la Foi mais la Raison.
La philosophie de Lumières postule pour des thèmes universels, innés:
-la Nature.
-le Progrès.
-le Bonheur.
-la Liberté.
C'est la ruine des dogmes de la Métaphysique: l'homme n'est plus une créature théologique. Maintenant on cherche la Vérité dans le monde physique et pratique. On pense généralement que tous les arguments religieux sont des entraves à la connaissance et des fauteurs de troubles.
La Vérité va s'éclairer des démonstrations de la Raison, mais elle va procéder aussi des lumières intérieures qui sont: l'instinct, la sensibilité, le coeur. Voltaire, Rousseau, Diderot vont accorder une grande valeur au sentiment pour appréhender la réalité.
On va invoquer la Nature, le Bonheur, le Progrès.
Un Esprit scientifique va naître à partir de l'empirisme expérimental de Newton et de Locke : la Science va découvrir des horizons immenses.
- L'Homme surtout fut le sujet principal de l'étude expérimentale. Apparaissent la médecine, la physiologie, l'étude des caractères avec Lavater..
- L'idée du Bonheur est une attitude d'esprit et la négation d'idées traditionnelles chrétiennes comme celles de la purification par l'épreuve, la souffrance. On pose le redoutable problème du Bonheur sur terre.
Pour le bonheur, la théorie du Contrat Social exprime le fait que les hommes s'entendent pour former un corps civil ou société.
Montesquieu, Rousseau croient en une sympathie innée. Les hommes coopèrent naturellement. De même pour Bernardin de Saint Pierre cette sympathie de la nature est la finalité.
Mais d'autres au contraire tels Condillac, Voltaire, Helvétius, pensent que cette coopération n'est qu'une série d'exploitations fondées sur l'égoïsme de chacun.
- Enfin l'idée de Progrès fait que l'on dénonce l'ignorance liées aux croyances. Pour cela on recherche la diffusion des idées philosophiques pour surmonter l'obstacle que constitue l'église catholique qui parait avoir une fonction obscurantiste. L'église est l'ennemie à combattre sur cette voie du progrès.
Un aspect de cette conquête du progrès est l'Encyclopédie.
Plus complète que le dictionnaire de Bayle, l'Encyclopédie, commencée en 1750 fait le point sur le savoir au milieu du siècle.
Diderot, d'Alembert, Rousseau, Montesquieu, Voltaire, Turgot y écrivent. Leur propos est exaltant: montrer la maîtrise de l'homme sur l' univers... au lieu de rechercher une vérité dans la bible. Le Bonheur de l'homme est entre ses mains , s'il est libéré des superstitions qui gênait son progrès. Evidemment, l'église va attaquer l'Encyclopédie mais cela ne fait qu'accroître son intérêt. Le but de l'Encyclopédie est de tout remuer, tout examiner sans exception.
Le 18ème siècle c'est la démarche scientifique mais c'est aussi l'ère du sentiment.
Le sentiment est cette connaissance intuitive qui vient des profondeurs de l'être.
Le sentiment aura un rôle essentiel dans la connaissance du monde, de l'homme et de la nature.
Le sentiment a une autre dimension: la sensation. Ce sera l'esprit des Fêtes Galantes. Cette notion des sens et de sympathie est présente chez Locke, Condillac et Hume: c'est le sensualisme.
C'est l'importance de l'émotion, du pathétique, du sourire et des larmes. C'est la mutabilité de l'être , le rapport à la vie, la cénesthésie, la synesthésie, le spleen.
Un abîme va s'ouvrir avec des aspects sombres mais fascinants: Laclos, Rétif, Sade.
C'est encore l'inquiétude devant la Nature ( la montagne est le lieu d'exaltation), dans la nature refuge, avec la triomphe des idées de Rousseau, dans l'Emile et la Nouvelle Héloïse: vivre dans la nature loin des compromissions de la ville. Il faudrait parler de Burke et des paysages de Carus.
Il faut aussi souligner le rôle de la Révolution française, de Napoléon et des idéaux héroïques.
Cette période voit aussi la mise en place du triomphe de l'Art proclamé par le Romantisme et l'esthétique de Winckelman. On recherche le beau idéal, les formes parfaites reprise d'idées anciennes. Au 18 ème l'admiration va à la peinture d'histoire. Mais on s'émerveille aussi des objets de la vie: Chardin triomphe.
L'ouvrage de Jean Starobinski , "L'invention de la Liberté." situe bien l'esprit du 18ème siècle.
Il parle de la Fête iconoclaste, de l'art théâtral, de la recherche du pittoresque, des fabriques et des ruines, du pittoresque de la tempête ou de la violence qui invente des sites imaginaires comme dans le cas du peintre Cozens, tachiste qui retrouve les secrets des paysages orientaux.
Starobinski parle aussi des menus plaisirs et des plaisirs noirs, de la terreur, des spectacles funèbres ou des exécutions capitales. Il cite aussi Burke et la notion de Sublime.
L'Art présente la réalité d'un point de vue esthétique. La Réalité devient esthétique. Avec le dandysme la vie devient oeuvre d'art.
Toutes ces références sont complexes mais elles situent le Siècle des Lumières tourné vers la Science et le Progrès mais aussi vers la Liberté de l'individu et son épanouissement tant physique que psychique. De plus les grandes figures du siècle y sont évoquées.
Toute cette réflexion a permis de constituer un répertoire de pensées et d'images et de déterminer des éléments majeurs pour la création de cette toile, relatant des aspects dominants du siècle des Lumières.
Dans le prochain article, je commenterai le déroulement proprement dit de la genèse de l'oeuvre.
R.DUMOUX
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